Barret de Lioure, entre Ventoux et Lure
Les Amis de Barret de Lioure
Barret de Lioure, entre Ventoux et Lure
En juillet 2007, une remarquable encyclopédie intitulée « Le Mont Ventoux » est sortie de presse (1). Elle complète une publication antérieure consacrée à « La montagne de Lure » (2). Ces ouvrages donnent un aperçu très complet des régions situées autour des deux sommets mythiques.
A la lecture de ces deux livres, nous constatons que la commune de Barret de Lioure n’a pas retenu l’attention des auteurs, si ce n’est de manière très anecdotique. Encore que les rares photos relatives à Barret de Lioure ont parfois des légendes la situant à …. Montbrun..
A cela plusieurs explications possibles :
Administrativement, Barret de Lioure n’est pas rattaché aux deux montagnes
La population de Barret de Lioure est tombée de 607 habitants en 1851 à 35 seulement en 1975, quasi uniquement des personnes âgées. Le village est alors un « fantôme dans le vent » comme l’a écrit P. OLLIVIER-ELLIOTT (3).
Le village médiéval, enserré dans ses remparts, est blotti au pied du rocher des croix. Des 84 maisons sur 46 ares en 1813, on ne recense aujourd’hui que 10 habitations et le touriste qui emprunte la D542 dans le sens Est -Ouest ignore totalement la présence du bourg… et de l’église.
Une anecdote significative à ce sujet : le 5 août 2007, le Chanoine de la cathédrale de Chartre, chargé de célébrer la messe de St Laurent, se trouve devant la mairie de Barret et s’informe de savoir où se trouve l’église !
Et pourtant, si l’on se réfère à l’histoire de la commune, à ses caractéristiques patrimoniales tant sur le plan paysager que géologique, géographique ou encore religieux, on constate que Barret de Lioure mérite certains égards.
Historiquement, la présence d’habitants remonte au néolithique, soit 3000 ans avant J-C, selon les découvertes du Dr. BERNARD en 1956, au lieu-dit « Le moulin ».
Des tegula (tuiles romaines) ont été trouvées à proximité lors de la construction des gîtes en 2001.
Un autel aux Mères, daté du 1er-2ème siècle de notre ère, a été trouvé au quartier de Génisseaux en 1877 par Joseph Philidor BLADIER. et son beau-père Alexis PASCAL. Il a été donné à l’époque au musée de Sault où il est installé dans le hall d’entrée (voir photo). Il mesure 82 cm de haut. Ce quartier de Génisseaux est très important car c’est là que se trouve la source qui depuis des temps immémoriaux et jusqu’à aujourd’hui débite, en tout temps, ses 18 à 20 m³ / heure et alimente depuis plus de 50 ans les communes de Barret, Montbrun et Reilhanette en eau potable d’excellente qualité. Nos ancêtres devaient bien sûr l’adorer.
En 1119, le prieuré de Barret de Lioure et son église St Sauveur dépendent de l’abbaye de St André de Villeneuve-lez-Avignon. Il est situé au quartier St Sauveur, face au cimetière et à proximité du château, alors que l’église St Laurent est bâtie au centre du bourg médiéval.
Quant au château, attesté dès le XIème siècle, il devait se situer sur les trois terrasses installées sur le promontoire qui domine la vallée de l’Anary, d’où la vue est imprenable vers Montbrun (à l’Ouest) et le col de Macuègne (à l’Est).Ces terrasses totalisent 720 m².
Le 23 novembre 1270, les habitants de Barret de Lioure reçoivent leur charte des franchises données par Raymond de Mévouillon, leur seigneur, en même temps que les habitants de Mévouillon eux-mêmes. La population de Barret est déjà alors de 230 vrais barretiers (35 chefs de famille) plus 70 habitants « flottants », appartenant à 15 familles.
Jusqu’à la révolution française, Barret de Lioure sera la dernière commune de Provence, limite avec le Dauphiné (Montbrun).
Les recherches de Sandy ANDRIANT (4), montrent que Barret était probablement un bastion catholique face à Montbrun la protestante et son chef fameux Charles DUPUY.
En effet le nombre d’abjurations à Barret est pratiquement nul, alors qu’il est très important tant à Montbrun qu’à Séderon. Or à cette époque la population de Barret est de 430 habitants environ.
Barret vient de barre « crête d’un relief en forme de muraille allongée et saillante » selon BLANCHET (5). Cette signification de « barre » est amplement confirmée par la position géographique, climatique et historique. Au point de vue géographique, le col de Macuègne est un passage obligé pour relier le Rhône à la Durance. Il suffit d’aller sur le site internet www.viamichelin pour constater que la liaison la plus courte et la plus agréable pour joindre Orange à Sisteron passe par la vallée du Toulourenc, celle de l’Anary (Barret) et la vallée du Jabron, soit 119 km. Les touristes actuels ne s’y trompent pas (peut-être grâce au GPS) et ils sont des centaines, voire des milliers à emprunter cette route chaque année et à s’arrêter aux abords de Barret de Lioure pour fixer sur la pellicule (ou l’appareil numérique) la splendide vue du Ventoux qui s’offre à leurs yeux.
Barret et le col de Macuègne sont aussi une barrière climatique : climat méditerranéen vers l’ Ouest (Montbrun), alpestre vers l’Est (Séderon). En hiver, des écarts de températures de 10 à 12° centigrades sont fréquents entre la mairie de Barret et celle de Séderon.
Quant au suffixe Lioure, il s’agit sans doute d’une déformation locale de Lure, le ou dérivant du u en latin. D’autant plus qu’il existe un lieu-dit lioure, situé à cheval sur la limite communale entre Barret et Ferrassières. De cet endroit, situé à 1410 m d’altitude on peut apercevoir à la fois, et quasi à égale distance, Lure et Ventoux. C’est un des rares endroits d’où la vue vers les deux sommets est simultanée.
Sur le plan patrimonial, plusieurs ouvrages ont mis en évidence les caractéristiques de Barret de Lioure. En 1961, le Conseil Général de la Drôme publie une agréable brochure sur le département. La double page centrale reproduit la vue, en couleur, du Ventoux depuis Barret de Lioure ; cette photo sera aussi en couverture du livre « Les plus beaux détours de France », une publication de Sélection du Reader Digest en 1978 !.
Plus près de nous, depuis la fin des années 1990, près de dix publications artistiques ont repris des photos diverses de Barret de Lioure.
Signalons que Jean GIONO a hanté Barret de Lioure a de nombreuses reprises, en particulier l’Hôtel Richieu qui fonctionna jusqu’après la guerre 1940-1945. Il y a situé plusieurs scènes de son ouvrage « Ennemonde et autres caractères », dont le scénario général décrit les paysages entre les Hautes Ferrasières et Montbrun, un parcours qu’il effectuait lui-même régulièrement.
Quid de l’avenir de Barret de Lioure ?
Depuis le début de ce siècle, la commune de Barret de Lioure retrouve un nouvel essor, grâce au tourisme, à la proximité de la station thermale de Montbrun les Bains.
La population augmente depuis quelques années, tout en restant dans des limites raisonnables (environ 63 permanents en 2021, pour une centaine de résidents secondaires)
De nouvelles constructions ont été construites à la limite de Barret et de Montbrun, mais la municipalité a heureusement établi une carte communale , limitant ainsi une extension sauvage.
Le centre du bourg a été doté d’un système d’égouttage avec une station d’épuration.
Au sommet de la montagne de Bergiès ( La montagne du berger,1367m), entièrement sur le territoire de la commune, sont installés des antennes relais de télévision et de téléphone portable. Un aire de départ de vol libre connaît aussi un vif succès, tandis qu’un observatoire astronomique est opérationnel depuis 2008.
Barret de Lioure est donc une commune au passé remarquable et qui bénéficie d’atouts certains.
Gilbert Picron
Président d'honneur
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1. Le Mont Ventoux, encyclopédie d’une montagne provençale, Ed. Les Alpes de Lumière, 348 p., 250 notices, sous la direction scientifique de G.BARRUOL, 40 euros, en vente dans toutes les librairies régionales.
2. La montagne de Lure, encyclopédie d’une montagne en Haute-Provence, 320 p., 300 ill.en coul. ,2004, Ed. Les Alpes de Lumière, 40 euros.
3. Les Baronnies, mode d’emploi d’un fragment de paradis, P. OLLIVIER-ELLIOTT, Ed. Aubanel, 1994.
4. Sandy Pascal ANDRIANT a effectué des recherches sur les abjurations des protestants entre 1638 et 1885 (Révocation de l’Edit de Nantes) pour les communes de Montbrun, Barret et Séderon. Il anime un forum sur Geneawiki, à l’adresse Sederon-26_Protestants.
5.BLANCHET, Ph, Lieux-dits en Provence, Librairie contemporaine, 2003.