Les pandémies à Barret de Lioure
Date de publication : 13 avr. 2020 17:23:47
1. La peste de 1720
De 1720 à 1723, la Grande Peste ravage la Provence au départ de Marseille. Un bateau venant de Syrie accoste le 25 mai 1720. A son bord un passager clandestin porteur du bacille de la peste. Pour éviter la quarantaine et ne pas perdre la précieuse cargaison, les marins furent consignés dans un « lazaret » mais donnèrent leur linge à laver à une lavandière qui fut la première victime le 20 juin 1720.
Devant l’ampleur de l’épidémie, plusieurs lignes sanitaires furent établies. L’une d’elles, dénommée la ligne du Jabron, va de Sisteron à Barret de Lioure, soit 46 km dont 6, 5 km sur le seul territoire de Barret de Lioure (territoire de montagne) alors que le reste était limité par la rivière et plus facile à garder.
Un dispositif a été mis en place avec à sa tête des militaires chevronnés, extérieurs à la Provence.
Dès le 20 octobre 1720, le Régiment de Poitou (400 à 450 hommes) fut désigné, auquel on ajouta des paysans « réquisitionnés » (8 pour Barret de Lioure sur un total de 71).
De plus chaque communauté devait construire des baraques (pouvant contenir une dizaines d’hommes) et des guérites (2 à 3 hommes seulement). Pour Barret de Lioure, il fallut édifier 12 baraques et 24 guérites (pour un total respectivement de 56 baraques et 136 guérites). Un certain nombre de baraques sont toujours visibles et en bon état 300 ans plus tard !
De plus les communautés devaient fournir du bois pour le chauffage des baraques, de l’huile pour l’éclairage, de l’avoine et du fourrage pour les chevaux des officiers qui étaient logés chez l’habitant !
La présence de la ligne était une entrave à la circulation entre le Sud (d’où venait la contagion) et le Nord (que l’on souhaitait garder sain) ce qui empêchait de cultiver les terres situées au sud, que les foires étaient supprimées, que les sacrements religieux (baptêmes, enterrements notamment) n’étaient pas toujours possible à la paroisse pour ceux qui habitaient au sud de la « ligne ».
C’est ainsi que 3 baptêmes au moins furent célébrés dans des paroisses voisines et signalées plus tard dans le registre paroissial.
La levée du confinement eut lieu fin 1722-début 1723, soit environ 28 mois après le début de son établissement.
L’examen des registres paroissiaux permet de constater qu’aucun décès n’est imputable à l’épidémie de peste et qu’il n’y a pas eu d’augmentation des décès par rapport aux années antérieures ou postérieures. Seules les naissances de l’année 1722 sont nettement inférieures à celles des années précédentes et suivantes.
2. Le Choléra de 1832
A l’époque du carnaval de 1832 (quelle coïncidence), le choléra venu d’Asie en passant par la Pologne puis l’Angleterre, atteint Paris. Quelques mois plus tard, en plein été c’est la Provence qui subit les premiers décès d’abord attribués à la dysenterie habituelle en cette région. Mais rapidement, Marseille verra sa population décimée et toute la Provence sera contaminée. Il faudra attendre 1835 pour constater le recul de la pandémie.
Barret de Lioure ne connaîtra, heureusement pas de décès lié à ce choléra contrairement au village voisin des Omergues qui sera pratiquement anéanti. Les habitants de Barret de Lioure, maire en tête, décidèrent d’ériger un calvaire sur le rocher dominant le village en remerciement pour avoir échappé au terrible fléau. Ce calvaire des trois croix dont seule la croix centrale porte un christ (115 cm de haut) en laiton, est aujourd’hui éclairée et bien visible de jour comme de nuit, ce qui caractérise d’ailleurs la commune aux yeux des visiteurs.
Cette épidémie de choléra fut parfaitement décrite dans le célèbre roman de Jean Giono « Le hussard sur le toit) publié en 1951 et qui donna lieu à un long-métrage de Jean-Paul Rapeneau en 1995, tourné en grande partie dans la région de Barret de Lioure où Giono avait ses habitudes.
Je ne résiste pas à l’envie de citer un extrait tiré du « Hussard « : Est-ce qu’on a le droit d’abandonner un être humain ? et même s’il meurt, est-ce qu’on ne doit pas tout faire pour qu’il meure moins mal si l’on peut ? ». A méditer.
Gilbert Picron