Barret de Lioure, village fantôme
Les Amis de Barret de Lioure
Barret de Lioure, village fantôme
Barret de Lioure, village fantôme
C'est ainsi que Robert Landry, journaliste, qualifie notre village en 1970.[1]Le texte repris ci-dessous, est illustré de 12 photos dont 4 sont prises par l'auteur. Une réédition en 1974 compte toujours les 4 photos de Barret sur 29 photos. Si la première édition ne compte que 9 départements, la 3ème s'étend à 17 départements du Sud dont la Corse.
« Dans une précédente édition (celle de 1970) nous parlions d'un village totalement abandonné, un de ces villages-fantômes devenus rares depuis les années soixante. Et nous écrivions : BARRET-DE-LIOURE est un des villages les plus tristement délaissés que nous ayons visités en haute Provence. On l'atteint en poursuivant la N 542 au-delà de Séderon. Accrochée à des escarpements pierreux et sauvages, la commune se compose de plusieurs hameaux aux demeures aveugles, aux toits souvent éventrés par la tempête. L'église, l'auberge voisine et deux maisons situées en nids d'aigle sur une falaise sont en voie de reconstruction. Trois autres maisons, qui voisinent la N 542, sont habitées par des vieillards qui examinent le visiteur avec émotion et curiosité. Est-il vrai qu'on va secourir leur pays natal ? Mais cette opération leur sera-t-elle profitable ? Les hameaux de Génisseau et du Terron présentent quantité de cas immobiliers « à secourir ». L'eau ne manque pas, surtout pour le quartier inférieur plus proche du torrent l'Hanary ; quant à l'électricité, c'est une autre affaire.».
Pour corroborer R. Landry, je précise que l’église a été reconstruite entre 1961 et 1963, que 2 habitations ont été réoccupées en 1963 (Acquaviva et Moquet-Dejaeghere) et que les 2 maisons reconstruites sont celles de Roux (1965), Marchina (1967), Quilici (1967 au Terron). Quant à « l’auberge voisine », il s’agit sans doute de « l’auberge du Ventoux » des parents de Martine Boyer.
J’avais emprunté le livre de Robert Landry à la bibliothèque municipale de Montbrun il y a une dizaine d’années et le souvenir de cette lecture m’est revenu récemment suite à un évènement fortuit. Un archiviste départemental est venu classer (et déclasser) les archives de la mairie et M. le Maire m’avait conseillé de compulser les archives déclassées avant leur destruction. Un gros m³ de documents me permit d’en retirer quelques écrits intéressants dont 4 lettres reproduites ci-dessous et qui illustrent parfaitement l’état d’esprit de cette époque.
15 août 1972 de Marly-le-Roi (78)
M. le Maire, Amoureux de la nature et de ses vielles pierres, j’envisage de m’installer dans votre région.
La préfecture de la Drôme m’apprend l’existence dans votre commune d’hameaux dépeuplés, notamment au lieu-dit « Génisseau », et me conseille de m’adresser à vous pour de plus amples renseignements.
Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir me faire parvenir des détails concernant les maisons éventuellement en vente dans votre commune. A savoir :
--grandeur et viabilité des bâtiments,
- nature et superficie des terrains,
- prix demandé,…
13 février 1974 de Breteil (94)
M. le Maire, Je me permets de solliciter votre bienveillance et votre amabilité pour me communiquer la possibilité d’achat à petit prix d’une maison en mauvais état avec terrain, en viager payable mensuellement, ou location-vente, situé dans un village ou hameau, ou vieille ferme abandonnée en mauvais état, ou encore une ruine pouvant être réparée, même en montagne, terrain accidenté et si possible avec un ou plusieurs hectares de terre cultivable ou non, friche, garrigue, même boisée avec route ou chemin d’accès carrossable (peu importe l’état) avec eau potable communale, puits ou source et possibilité d’électricité.
Je m’excuse de cette sollicitude. Je ne suis qu’un employé aux moyens modestes. J’ai donc pensé que dans votre région, il pourrait se trouver dans la campagne de vieilles maisons, vieilles fermes ou ruine abandonnée que je remettrais en état, cela me suffirait ayant l’intention de prendre ma retraite, 60 ans en bonne santé, mais ne pouvant me permettre l’intermédiaire de marchands de bien.
15 avril 1974 Gand –Belgique
M. le Maire, Me proposant d’implanter un centre artisanal, il me serait agréable de connaître les possibilités de la région quant à l’établissement de mon but, soit donc une liste des fermes et ou mas libres ou abandonnés, ayant possibilité de ravitaillement en eau et électricité, leur surface, l’état et si possible la nature du sol, ainsi qu’une estimation approximative question prix.
14 octobre 1974 de St Etienne (42)
M. le Maire. Nous sommes un groupe de jeunes (19 à 25 ans) intéressés par les villages, les fermes, les hameaux abandonnés ou dépeuplés pour les reconstruire, les emménager les rendre viables.
Nous avons quelques renseignements sur le hameau « Génisseau » à Barret de Lioure. Nous vous demandons si vous pouvez s’il vous plaît, nous aider à compléter notre liste sur mes points essentiels. Nous aimerions savoir :
- L’état des maisons,
- La superficie des terrains,
- Les équipements eau, électricité qui s’y trouvent,
- Le prix des exploitations,
- L’adresse des propriétaires,
- Si çà a été vendu, si c’est à acheter,
- Et tous les renseignements qui pourraient nous servir.
Comme on peut le lire, les motivations sont aussi variées que l’origine des « amateurs de ruines ».
Vers 1972, on verra arriver Gaston et Liliane Devroeg (belges) qui réhabilitent l’ « Hôtel Richieu » et les maisons voisines, tandis que Roswit et Klaus Balke (allemands) s’attaquent à une importante ruine proche de l’église.
Je terminerai cette évocation en précisant qu’il fallut attendre 1981 pour voir la reconstruction d’Edmond Favier et de Jacques Pommier au bourg.
Quelques années plus tard, la première maison nouvelle (P. Dallard) sera érigée dans ce qui est alors appelé le « Hameau du Moulin » suivi en 1988 par les premiers « gîtes communaux ».
Terminons par un chiffre de population : 43 habitants en 1990.
Pour compléter la situation de l’époque, j’ai rétabli le recensement de la population dont les chiffres officiels (de 1975) font état de… 35 habitants.
Pour les « anciens » ils retrouveront cet inventaire détaillé ci-dessous.
Sur base de cet inventaire, on constate que la population est particulièrement « vieillissante » : 4 jeunes de moins de 20 ans, 3 de 20 à 29 ans, 3 de 40 à 49 ans, 5 de 50 à 59 ans, 2 de 60 à 69 ans, 10 de 70 à 79 ans et 3 de plus de 80 ans !
Et aujourd’hui ?
Si la population résidente avoisine les 70 habitants, elle double avec les résidents secondaires qui ont, pour la plupart, construit de nouvelles habitations qui ne dénaturent pas le cadre exceptionnel d’une nature quasi intacte, dominée par la vue sur le Mont Ventoux, omniprésent. Certains d’entre eux séjournent d’ailleurs durant de longs mois à Barret. Il n’existe plus qu’une seule maison inhabitée et qui, malheureusement, menace ruine ce qui serait certainement regrettable et ôterait le caractère médiéval du bourg. Sa réhabilitation mériterait sans doute une réflexion collective avant son effondrement !
La variété d’origine des nouveaux habitants (permanents ou secondaires) est remarquable et crée un état d’esprit de bon aloi avec pour conséquence l’organisation d’évènements conviviaux qui rassemblent cette population venant de toute la France (Hauts de France, Alsace, région parisienne, Dijon, Lyon mais aussi de la Drôme, du Vaucluse, du Gard et même du Var et des Bouches-du-Rhône), ainsi que d’Allemagne, de Belgique, des Pays-Bas et même … d’Argentine !
Il faut souligner que les maires et conseillers qui se sont succédés depuis 50 ans ont eu à cœur d’améliorer les conditions de vie dans toute la commune avec en point d’orgue une ressource naturelle d’une qualité exceptionnelle : l’eau de la source de Génisseau.
Gilbert Picron
[1]. Guide des villages abandonnés, Robert Landry, Ed. Balland, juin 1970, 291 p, 12 photos (1ère édition).1 974 (3ème édition téléchargeable en e-books - 7€95 ).
Etat de la population en 1975
A Valaurie
Reynaud André 45 ans
Truphémus Hélène 40 ans
Reynaud Alain 17 ans
Reynaud Danièle 15 ans
A Baïs
Cossantelli Michel 51 ans
Parmentier Geneviève 50 ans
Cossantelli André 27 ans
Cossantelli Bernard 20 ans
A Macuègne
Jean André (père) 60 ans
Reynier Léontine 57 ans
Jean André (fils) 24 ans
Quenin Louis 82 ans
Pascal Octavie 78 ans
Quenin Maurice 45 ans
Au village
Boyer-Espieu Andrée 47 ans
Estellon Paul 75 ans
Bernard Mathilde 83 ans
Fremaux Paul 76ans
Saisse Flavie 77 ans
Arnaud Germain 45 ans
Dans la Combe
Jouve Elie 78 ans
Au Moulin
Borel Angèle 58 ans
Espieu Edmond 60 ans
Espieu Serge 15 ans
Borel Léon 73 ans
Chappon Geneviève 70 ans
Borel Henri 88 ans
Borel Julien 77 ans
Jean Renée 57 ans
Borel Marie Hélène 19 ans
Borel Elisabeth 15 ans
Borel Elie 71 ans
Michel Marie Rose 68 ans