Chenevier(e) ou canebière...
Les Amis de Barret de Lioure
Chenevier(e) ou canebière...
L’examen attentif des biens recensés dans le terrier de 1788 de Barret de Lioure, révèle la présence de 8 parcelles dénommées « chenevier »
Ces parcelles appartiennent pour 3 d’entre elles à des habitants de Séderon (Detès, Dominique, Detès André et Jullien Augustin) et sont situées au hameau de Bay, les 5 autres sont localisées dans la partie basse à l’Ouest de la commune et leurs propriétaires sont des agriculteurs importants : François Pascal, Alexis Jean, Pierre Bigonnet, Gabriel Carretier et Joseph Conil. De plus, chacune de ces parcelles est proche d’un bassin appelé « rotoir » qui sert à rouir le chanvre. Ces bassins existent encore aujourd’hui et sont alimentés par des sources.
Le chenevièr(e) est donc un champ où l’on cultive le chanvre (canapus). Dans le sud de la Provence, l’appellation devient « cannebière » ! Par analogie on rappelle que l’étable à chèvres est appelée « chabrière » à Barret et « cabrière » dans les régions sudistes.
Parcelles de chanvre en 1788
Mais pourquoi distinguer les « chenevières » des multiples « terre, campas, hermas » qui jalonnent les propriétés des barretiers au XVIIIème siècle ?
L’explication est simple : le chanvre est une culture très rémunératrice car son produit sert à la fabrication des cordes et cordages. Marseille est un centre de production de ces produits nécessaires à la batellerie d’où l’appellation « canebière », bien connue.
A Barret-de-Lioure, une profession est dénommée « cordier » ou fabricant de cordes.
Qu’est-ce que le chanvre ?
Le chanvre est une plante textile dont les graines contiennent un élément psychotrope (le Tetrahydrocannabinol – THC) d’où son interdiction de culture au XIXème siècle. Aujourd’hui on dispose de 21 variétés « améliorées » qui contiennent moins de 0,2 % de THC.
La culture du chanvre est très intéressante (aujourd’hui encore) car c’est une plante nettoyante, qui ne nécessite aucun herbicide, ni fongicide, ni insecticide.
La plante de chanvre à une hauteur de 90 cm à 5 m selon la variété, le climat et le type de sol.
Au cours du XXème siècle, le développement de la pétrochimie a permis l’émergence des fibres synthétiques et leur utilisation dans de nombreux domaines. A tel point que les fibres végétales (lin et chanvre) ont quasiment disparu de certaines applications, remplacées par leurs équivalents synthétiques, souvent moins chers et plus facilement « industrialisables ».
Au niveau du textile, les fibres synthétiques (difficilement recyclables) représentent environ 65 % du marché contre 28 % pour les naturelles, les fibres cellulosiques comme la viscose tournent autour de 7 %.
S’il constitue encore un débouché très minoritaire en Europe, le chanvre est très présent en Chine (toujours eux !) où il est cultivé sur 65.000 ha dont 30 % pour le textile !
Les quatre dérivés du chanvre (la graine, la fibre, la chènevotte et les poussières et biomasse) peuvent être utilisés dans différents secteurs d’activités. La graine s’adresse au marché de l’agro-alimentaire et des cosmétiques bios. « L’huile de chanvre est la seule qui a le ratio parfait oméga 3 et 6 et en protéines, ce qui en fait l’une des meilleures huiles pour la santé, pour des personnes, par exemple, avec des maladies cardiovasculaires, ou des maladies de peau ». C’est aussi un bon substitut pour les personnes allergiques au lactose et au gluten.
La graine est aussi utilisée par les pêcheurs comme appât et aussi pour l’alimentation des oiseaux.
Avec la fibre, il s’adresse à l’industrie textile bio, avec « une fibre naturelle qui n’est pas aussi polluante que le coton, dont on sait tous les dégâts que cela peut causer pour la planète ». Elle convient aussi pour l’isolation et pour faire du plastique bio-sourcé.
D’ailleurs, la chènevotte, autre dérivé, peut être utilisée dans le secteur du bâtiment pour l’éco-construction : « Avec le béton de chanvre, on peut construire des maisons qui stockent du CO2 tout au long de leur vie. Des constructions éco-durables qu’il faut aujourd’hui développer pour réduire l’impact du béton actuel qui lui émet du CO2. Une maison de 100 m2 en béton de chanvre stocke 15 tonnes de CO2. Par ailleurs, la chènevotte possède des performances d’isolation thermique et acoustique unique ».
Enfin, les poussières et la biomasse permettent d’être valorisées en combustibles, sous différentes formes : granulés ou briquettes pour produire de l’énergie verte. « Comme on l’a dit, le chanvre a une grande capacité de stockage de CO2 ça en fait un combustible forcément évident. On transforme cette biomasse en chaleur qui est valorisée en électricité par la suite ».
« Non, ça ne se fume pas ! »
Et attention aux amalgames ! « Non, ça ne se fume pas. Ce sont des variétés 100% règlementées, autorisées par la loi. La réglementation autorise 21 variétés avec moins de 0,2% de THC [le tétrahydrocannabinol est la principale molécule active du cannabis]. Donc toutes les variétés plantées sont règlementées et fournies par une coopérative de semences chanvrières françaises. »
Quel avenir pour le chanvre ?
La culture du chanvre se développe à nouveau en Normandie dans les Hauts de France et en Wallonie (Belgique). Une coopération met en relation les producteurs, les négociants et les transformateurs. Une firme belge (Hyler) a développé une automotrice de fauche, ce qui constitue une étape cruciale pour l’avenir du chanvre textile ‘fibres longues ».
Le « béton de chanvre » devrait aussi se développer. Il est issu de la « chévenotte », la gaine qui entoure la fibre et représente 44 % du poids de la plante.
Un important programme de construction d’immeubles intégrant le chanvre est prévu en France. On estime le marché à 20.000 maisons.
Gilbert Picron